Accueil Economie Entretien avec Mme Hosn El Woujoud Ben Mustapha, vice-présidente de la CONECT : «La filière de l’industrie mécanique et électrique a baissé de 20,9%»…

Entretien avec Mme Hosn El Woujoud Ben Mustapha, vice-présidente de la CONECT : «La filière de l’industrie mécanique et électrique a baissé de 20,9%»…

La majorité des petites ou moyennes entreprise (PME) et très petites entreprises (TPE) sont aujourd’hui en difficulté. En effet, leur productivité est en baisse, à cause de la crise sanitaire.Cela a beaucoup affecté les secteurs les plus précaires dont la production industrielle qui a enregistré en 2020 une baisse de 7,4%. Plus de détails avec Mme Hosn El Woujoud Ben Mustapha, vice-présidente de la Conect. Interview.

Donnez- nous un petit aperçu sur votre parcours professionnel ?

Je suis une cheffe d’entreprise, et directrice générale d’une unité de production industrielle fabriquant des transformateurs électriques. Devenir entrepreneure était ma vocation. Quand j’étais adolescente, je passais mes étés à l’usine, à côté de mon père, et j’apprenais déjà le métier. Après mes études en sciences économiques à Tunis, je me suis attaquée à la restructuration de notre entreprise ; j’avais à peine 24 ans et j’étais hésitante. Le choix n’était pas évident au début car je souhaitais aussi créer ma propre boite mais, finalement, j’ai repris le flambeau familial.

Avec le temps, l’industrie est devenue ma passion. Je suis alors passée par tous les échelons et je suis, depuis, toutes les formations nécessaires pour être constamment à jour des nouveautés et des innovations technologiques.

Pourquoi une cheffe d’entreprise choisirait-elle d’être à la Conect ?

Grâce à la révolution, il y a eu un nouveau souffle et je voulais contribuer à celle nouvelle vision de l’entrepreneuriat. Le nom même de notre syndicat patronal — dont je suis la cofondatrice et aujourd’hui la vice-présidente — porte en lui les valeurs que nous chérissons : la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie. Avec les autres fondateurs, nous partageons ces mêmes valeurs : l’équité, l’engagement pour l’intérêt national, la citoyenneté, la responsabilité, la solidarité et la transparence.

Nous avons su, durant les dix dernières années, malgré le contexte difficile, à nous faire une place, rassembler des chefs d’entreprise, nous imposer et devenir un acteur dans l’écosystème entrepreneurial aussi bien avec le pouvoir public qu’à l’échelle internationale.

Comment une cheffe d’entreprise comme vous passe-t-elle sa journée en général ?

Je suis une femme de terrain, je passe donc ma journée entre l’usine et l’administration. Je réponds aussi à mes engagements à la Conect et je contribue du mieux que je peux dans cette structure en laquelle je crois.

Certes, c’est un défi à relever au quotidien pour une femme, cheffe d’entreprise, de concilier vie professionnelle et familiale ; il faut jongler, planifier, prioriser, pour atteindre l’équilibre.

Vous travaillez dans l’industriel, comment décriveriez-vous ce milieu et quelles sont les difficultés auxquelles vous faîtes face ?

L’industrie constitue un pilier de l’économie, s’employant dans la majorité des secteurs. Elle occupe le premier rang dans la création d’emplois, la production de biens et services et la génération de la valeur ajoutée, la richesse et la croissance. En Tunisie, les coûts de production, comme la logistique, le transport, les charges, ne cessent d’augmenter d’une manière inquiétante et cela affecte notre compétitivité à l’export. Le secteur industriel est actuellement en train de régresser. Pour faire face aux défis de la mondialisation, une cheffe d’entreprise doit se doter d’un système de management qualité, et s’inscrire aux différents programmes mis en place par l’Etat pour optimiser et adapter les produits aux exigences du marché international.   C’est ce que je fais personnellement dans mon entreprise et cela m’a permis d’exporter vers de nouveaux marchés et concurrencer les géants internationaux du secteur.

Comment jugez-vous la situation économique actuelle et quels sont les secteurs les plus porteurs en cette période de crise?

Beaucoup de PME et de TPE sont aujourd’hui en difficulté ; la productivité est en baisse, notamment à cause de la crise sanitaire et cela a beaucoup affecté les classes les plus précaires qui en souffrent le plus. La situation actuelle du pays a beaucoup affecté par conséquent la production industrielle qui a enregistré en 2020 une baisse de 7,4%.  La filière dans laquelle j’exerce, l’industrie mécanique et électrique, a enregistré une baisse de 20,9%. Depuis 2011, nous observons un véritable processus de désindustrialisation qui risque, si un sursaut n’est pas engagé rapidement, d’exclure notre pays du monde de la production et de la création de valeur pour devenir un acteur passif, un simple consommateur de produits et de services importés à cause d’une politique favorisant l’importation au détriment de la production. L’Etat devrait encourager les entreprises à produire et à créer de la valeur, non à importer et devenir de simples consommateurs.

Personnellement, je pense que la sortie de crise ne peut se faire que par l’augmentation de la productivité afin d’offrir des produits moins chers. La Tunisie devrait, et au plus vite, améliorer ses services d’administration, travailler sur la digitalisation, le renforcement de la politique de la décentralisation, la sensibilisation de la consommation des produits locaux, ainsi que l’amélioration des capacités d’exportation.

Comment peut-on favoriser l’investissement et la création d’emploi, notamment suite à la promulgation du Code d’investissement ?

Pour favoriser l’investissement et la création d’emplois, il faudrait que l’Etat soit à l’écoute de ses compétences et des chefs d’entreprise, avoir un environnement des affaires prévisible et des facteurs d’attractivité réglementaire en plus d’une situation politique stable qui mise sur l’intégration volontaire par les entreprises des préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs réseaux, c’est-à-dire favoriser la vision de la responsabilité sociale et solidaire, un modèle de développement équitable et inclusif.

Nous aspirons également, à créer de nouveaux partenariats au niveau africain et européen. A la Conect, nous développons notre écosystème, surtout en Afrique. Notre vision tend à être créative et innovante. Récemment, notre groupement professionnel, Creative Hub, a signé une convention avec  Tunis International Center for Digital Cultural Economy.

Le genre de projets élaborés par ces structures devrait, à mon avis, profiter d’incitation fiscales car la créativité constitue l’ADN même du succès et de la pérennité d’une entreprise. Pour moi, l’éducation et le transfert de savoir restent, par ailleurs, les meilleurs investissements que nous pouvons faire actuellement dans notre pays.  Le message essentiel à passer est que chaque entrepreneur soit conscient qu’importe d’où il vient ou qui il est, il peut réussir. Pour cela, l’Etat et les organisations comme la nôtre doivent l’aider et lui faciliter le chemin.

Quels sont vos objectifs et ceux de la Conect d’ici 2030 ?

Nos objectifs sont clairs : contribuer aux politiques de développement, être toujours une force de proposition et développer par la connaissance et les études que nous effectuons à la Conect le travail des entrepreneurs, peu importe qu’ils soient hommes ou femmes.

En réalité, il n’y a que la valeur du travail qui compte et qui déterminera le futur de notre Tunisie. A nous d’être à la hauteur et de savoir transmettre le flambeau aux nouvelles générations.

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